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Le vide a une histoire, il n'est rien et pourtant il est essentiel. Il existe et pourtant il n'est fait de rien.
Paradoxalement, il a des propriétés: le titre de cette rencontre en indique une: on peut en mesurer la taille!
Cette histoire est extraordinairement riche, et on peut sans exagération voir le vide comme un centre crucial dans le développement des techniques et du savoir théorique. L'histoire commence, au plan théorique avec les spéculations des atomistes grecs, qui contrairement à l'atomisme indou, qualitatif, inventent un ingrédient fondamental: le vide. Cette nouveauté connaitra son apothéose
avec Avogadro, Loschmidt, Einstein et Perrin qui démontreront enfin l'existence des atomes.
Quant au vide, existe-t-il? La lutte sera serrée entre les partisans d'Aristote, puis du plénisme, et les nouveaux penseurs du dix-septième siècle. Finalement, et de la manière magistrale qui lui est coutumière en tout ce qu'il entreprend, c'est le grand Blaise Pascal qui démontrera par une série d'experiences exceptionnelles que le vide, en effet, existe. On reste admiratif devant la beauté et l'élégance des nouvelles expériences sur le vide, et en particulier à celle du vide dans le vide, marque du génie incomparable de Pascal.
Sur le plan des techniques, le vide est intimement lié au développement des machines hydrauliques et pneumatiques, puis à celui des machines à feu. Cette même science refertilisera la physique avec la théorie cinétique des gaz (TCG). Les gaz à basse pression, moins denses que les liquides, auront servi d'outil privilégié pour l'experimentation et, avec Dalton et Gay-Lussac, de trait d'union entre la chimie et la physique. La fin du dix-neuvième siècle consacrera 2500 ans d'histoire, depuis les premières pompes à eau de Ctesibe et Héron, aux pompes de Boyle et Hooke puis aux machines à vapeur, au charbon et enfin au pétrole.
Enfin apparait en 1905 le travail d'Einstein sur la diffusion. Un travail qui cherche à établir sans ambiguité l'existence d'atomes aux dimensions finies et précises. L'objet de l'étude théorique est la trajectoire insensée et perpetuelle d'un grain de matière soumis aux impacts présumés des molécules ou atomes environnants. Einstein établit un lien de nature statistique entre le coefficient de diffusion et le nombre d'Avogadro. Jean Perrin mettra en oeuvre ce programme et mesurera par de multiples méthodes ce nombre essentiel pour l'atomisme.
Mesurer l'atome, c'est mesurer le vide qui sépare chaque atome de ses voisins, du moins en obtenir la moyenne statistique, puisque cette distance fluctue à un degré qui dépend de la phase de la matière et des conditions thermodynamiques -pression et température- ou elle se trouve plongée. Ainsi nous avond choisi de nous interesser à ce que le dessinateur appelle l'espace negatif, celui que découpent les objets placés dans le champ de vision de l'artiste. Le vide est cet espace négatif, il est ce qui existe quand il n'y a pas de matière. Mais il n'est pas rien. Le seul fait que la lumière s'y propage lui confére des propriétés, ainsi la permittivitè du vide figure-t-elle parmi les constantes fondamentales irréductibles, pour le moment du moins, de la physique.
Le vide a aussi une structure. Son extension spatiale peut-être analysèes à différentes échelles. Chaque révolution scientifique nous peint un nouveau paysage du vide. Rutherford utilise la diffusion des rayons alpha par de minces feuilles de métal pour nous prouver que non seulement l'atome n'est pas la réalité ultime, la plus petite partie de la matière, mais qu'il est rempli... de vide. La mécanique quantique a profondément bouleversé notre vision de l'espace, et du vide. La connaissance de la position des particules n'est plus accessible si la vitesse et la masse de ces particules sont connues/observées, puisque la relation d'incertitude de Heisenberg impose un flou inconnu en physique classique. Une particule comme l'électron est potentiellement omniprésent dans l'espace entourant l'atome, et la physique manipule sa probabilité de présence en chaque point de l'espace, au lieu de sa position. Cette piste de réflexion aboutit au débat actuel sur le 'point d'énergie nulle' -ZEP- et aux contradictions entre physique quantique et physique relativiste. Ces deux échelles ne sont manifestement pas raccordées, et il y a pour le moment plusieurs physiques, et non une. Toutefois l'effet Casimir semble confirmer l'existence de cette énergie du vide. Notons néammoins cette énergie est associée à une présence (non-matérielle si l'on considère le photon comme une particule immaterielle d'énergie pure), celle d'un champ electromagnétique. C'est parce que la lumière se propage dans le vide et parce qu'elle est quantifiée et obéit à la relation d'Heisenberg. Un bain de particules et d'antiparticules s'annihilent constamment et ces fluctuations animent le 'vide du physicien'.
Cette situation ne semble pas complètement satisfaisante sur un plan philosophique. Cette
ébullition n'est-elle pas l'indice d'un phénomène plus fin que nous n'avons pas jusqu'ici pu sonder? En cassant l'atome, l'homme a aussi cassé le vide, et l'avenir dira si cette césure est définitive ou si le vide reapparaitra. On peut légitimement se demander si l'homme pourra créer un jour un volume que ne traverseront aucune des interactions physiques connues. La nature a peut-etre en effet horreur du vide, mais en un sens qu'Aristote était loin de soupçonner... Les physiciens traitent aujourd'hui le vide comme leurs collègues traitaient les gaz naguère. Ils cherchent à en étudier les propriétés optique (biréfringence) ou à le secouer pour produire de l'énergie. Le vide est une nouvelle sorte de vapeur dont émanera peut-etre un jour une nouvelle physique.
Quittons ces questions modernes pour revenir au role du vide (ou de l'espace négatif,ce qu'il y a 'entre' les 'choses') dans l'évolution de la physique. C'est en cherchant à expliquer la taille des atomes, que le physicien Wolfgang Pauli énonce son principe d'exclusion, que l'on peut voir comme un principe qui structure l'extension du vide. La différence entre matière et non-matière devient une question de statistique: les fermions ont besoin d'espace, les bosons sont grégaires. Choses et agents d'interactions entre ces choses... Chaque fois que l'on tente de se représenter 'le monde' dans l'espace, il y a une bonne chance que surgissent des questions sur le vide. Allez, essayons de descendre encore un barreau de l'échelle: quelle est la forme du noyau atomique? Et comment s'organise l'espace autour des nucléons qui le composent? Peut-on développer et soumettre au test une théorie similaire à la TCG, mais pour le noyau atomique? Quel est, par exemple, le libre parcours moyen des nucleons dans le noyau?
Philippe Fullsack. 25 septembre 2010.
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