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Avertissement haut
en forme Rùmanesque Rien, si ce n'est l'homophonie, ne pourrait être plus dissemblable à la prestigieuse capitale italienne que l' île de Rùm, situé a quelques encablures des côtes occidentales de l'Ecosse, dans l'archipel des Hébrides internes. Là: le poids écrasant d'une histoire multi-millénaire et le centre du monde latin rt de la civilisation méditéranéenne. Ici: un coin de terre aux confins d'Hyperborée, parmi les terres les plus lointaines connues dans le monde antique, qui sera le lieu des luttes entre les hommes du nord et les Gaëls et peuples Celtes. Là, la luxuriance de la ville et de ses bruits incessants, ici le souffle du vent, le frémissement des vagues et le ballet de la lumière sur l'ocean et les falaises rocheuses. Mais pour humble qu'elle soit, Rùm n'en présente pas quelques intérêts singuliers, du genre de ceux qui sont souvent le propre des microcosmes. Son appartenance aux antiques terrains géologiques calédoniens, sa connection avec l'immigration écossaise en Nouvelle-Ecosse, et la présence de la population de cerfs élaphes qui fait l'objet de la meilleure étude génétique/écologique jamais réalisée en milieu sauvage sont les trois fils conducteurs de cette petite ode Rùmanesque. Bonne lecture! P.S. les libertêés prises avec les accents seront rapidement bridèês, merci pour votre patience...
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Le très jeune et le très vieux haut
Rùm fait partie, avec Skye de la région des Western Isles, et présente parmi les plus jeunes et les plus vieilles roches que l'on puisse trouver en Ecosse. D'un côté on parle des vénérables gneiss du Lewissien, et de l'autre des roches volcaniques qui n'ont que 60 millions d'années d'existence. L'essentiel des Hébrides externes (ou occidentales) est composé de gneisses du Lewissien, (le nom provient de l' île de Lewis). Ces gneisses représentent les plus vieilles roches de Grande-Bretagne et datent d'environ 3 milliards d'années (un age comparable à celui de notre planète!). Ces roches,à l'origine granitiques, ont été retravaillées par de nombreux épisodes orogénétiques , c'est à dire par les mouvement de la croûte et des plaques tectoniques qui contribuent à la création des cha înes de montagnes. Chacun de ces épisodes a deformé et métamorphosé ces roches. On trouve des gneisses lewissiens sur Raasay, Skye, Rùm, Coll, Tiree et Iona. Ces anciens gneisses comprennent aussi des roches telles que des quartzites, des marbres, des schistes houilleux et des amphibolites, toutes roches qui sont quant-à-elles d'origine sédimentaire ou volcanique. Sur Skye, Rùm et Raasay affleurent des terrains de grès rouge torridonien, déposés par un ancien système fluvial il y a 1 milliard d'années. Sur Skye, on trouve aussi une variété de roches déposées dans une mer peu profonde entre -550 et -450 millions d'années, soit pendant le Cambrien et l'Ordovicien. Ils contiennent des sables de plages blancs où les vers de sables se frayaient leurs passages, et des calcaires marins.
Dans la région de Stornoway, sur Raasay, Skye Eigg et Rùm, se trouvent des roches sédimentaires représentatives de plusieurs périodes géologiques: Mésozoique, Triassique, Jurassique et Crétacé . Ces roches déposées par des rivières ou en environnement marin peu profond, nous apportent de précieux renseignements sur l'Ecosse de l'Ouest entre -245 et -90 millions d'années. Les reliques des complexes volcaniques de Rùm et Skye (laves, cendres et intrusions ignées) témoignent d'une intense période d'activité volcanique le long de la marge occidentale de l'Ecosse . Elles représentent les vestiges d'un temps où l'Europe du Nord-Ouest se separa de l'Amérique du Nord . Cette dissension continentale aboutira à la formation de l'océan nord-atlantique. Toutes ces regions sont particulièrement notables pour leurs signatures géomorphologiques: paysages sculptés par les glaciers, machars bien développés (le mot gaélique machair -ou machar- désigne les bords de mer fertiles et de faible altitude), dunes de sables, plages et bancs de sables interdidals. Les Hébrides externes et iles plus au large, St Kilda en particulier, sont de grande importance lorsqu'on cherche à comprendre l'histoire glaciaire du nord-ouest de la Grande-Bretagne. Lewis, Harris, les Uists, Benbecula et Barra sont des îles rocheuses fortement modelées par l'érosion glaciaire . Les montagnes de Harris montrent de beaux exemples de reliefs et de dépôts glaciaires. Ces dépôts sont généralement fins et localisés, mais aussi occasionnellement plus épais , comme le long des côtes de Lewis, ce qui permet de reconstruire l'histoire géologique récente de cette marge. Il est remarquable que certaines de ces formes sont antérieures à la dernière glaciation . On pense notamment que des parties de St Kilda sont restées libres de glace pendant ce dernier épisode glaciaire ,ce qui est une exception en Ecosse mis à part pour quelques sommets de montagnes.
Sur Skye, le Cuillin représente le paysage le plus alpin que l'on puisse rencontrer en Grande-Bretagne. Il a été formé par une succession d'épisodes d'érosion glaciaire. . Là où des laves du Palaéogène recouvrent des sédiments plus fragiles, le long des falaises de Skye et Eigg, on peut voir parmi les plus spectaculaires talus et paysages d'éboulements du pays.
Mais revenons plus en détail sur la géologie de Rùm. Graeme Nicoll ,Dr Valentin Troll (Volcanic and Magmatic Processes Group, School of Natural Sciences, Trinity College Dublin, Ireland.) et Dr. Henry Emeleus (University of Durham, Durham, UK.) ont assemblé un très bon resumé dont nous exposons ici quelques éléments (en français). La structure géologique de l' île présente une physionomie trés frappante, meme pour le non-geologiste! Il s'agit d'une faille de forme circulaire (ring-fault), que l'on voit aussi apparaître à la lisière de deux terrains d'âges dramatiquement différents (soit la limite entre les zones roses et brunes dans l'image ci-dessous). Comment une telle faille a-t-elle bien pu se former? En examinant cette forme qui ressemble à celle d'un chaudron, on se rappelera alors du fameux exemple de Santorini, où toute la partie centrale de l' île est submergée par suite d'un effondrement massif. On a ainsi affaire à un trait caractéristique d'une activité volcanique intense, une Caldera, dont la formation est expliquée ici.
En fait, nul besoin d'aller en Mer Egée, car Rùm a des voisines qui presentent les mêmes symptômes, l' île de Mull par exemple. Le lecteur est invité a visiter le site www.mantleplumes.org pour une discussion detaillée des mécanismes impliqués dans les panaches mantelliques, qui perforent à l'aplomb d'un point chaud l'intérieur des plaques tectoniques. De tels panaches sont à l'origine des iles Hawaï, du volcanisme (et de la caldera) de Yellowstone. Dans le cas des les îles Hawaï, ils nous renseignent aussi sur la vitesse et la direction de translation des plaques tectoniques qui se meuvent comme un toit mobile au dessus d'un 'lance-flamme' fixe. Ce lance flamme poinçonne ce toit coulissant en créant une suite de volcans d'âges progressivement plus jeunes. Un changement de direction du mouvement des plaques se manifeste à l'occasion par un coude dans l'archipel volcanique.
Ces remontées de matériaux depuis les entrailles de la terre ont probablement des origines diverses. Elles peuvent être dûes a des phénomènes de diapirisme -essentiellement une remontée de roches moins denses que leur environnement- ou a des phénomènes d'instabilités de convection. Elles fournissent un élément de réponse lorsqu'on essaye de comprendre les mécanismes par lesquels un supercontinent (comme Rodinia, Pangée ou Gondwana) 'homogène' peut se disloquer progressivement en une série de fragments indépendants . L'idée principale, bien connue des métallurgistes, étant celle d'une instabilité d'amincissement qui va en s'accélerant (necking). Imaginons en effet qu'une plaque d'épaisseur constante soit soumise a des forces de traction, et qu'on en affaiblisse une region , pae exemple par echauffement. La plaque va alors s'amincir près du point chaud, et sa resistance va être diminuée d'autant, par cet effet géometrique de diminution d'épaisseur. On peut aboutir, si les forces se maintiennent, à une rupture de la plaque. Cette image sert de prototype thermomécanique pour expliquer la formation des océans. Dans la deuxième partie du cycle dit de Wilson, les océans peuvent se refermer et entraîner un épisode orogénique, soit la création d'une nouvelle chaîne de montagnes, par subduction et/ou collision. Lorsque le géophysicien et le géologue s'attaquent à de telles questions, la difficulté est formidable car il leur faut comprendre comment modéliser physiquement des matériaux tres heterogènes, qui n'ont parfois jamais exposés a la surface du globe, soumis à des conditions dynamiques, et ce sur des échelles temporelles et spatiales très grandes (pensez aux mécanismes de déformations au niveau d'un grain ou d'un plan cristallin, et à l'échelle mégamétrique des plaques tectoniques...). La présentation donnée ici ne fait donc bien sûr qu'effleurer le sujet. Sur le site discoveringfossils.co.uk, on pourra consulter le film des évènements tectoniques et des déplacements des plaques (rotations, translations et déformations) qui ont formé l'actuelle Grande-Bretagne. Ces cartes réalisées par les géologues et les géophysiciens à l'échelle planétaire sont très instructives et vous pouvez consulter ces liens ci-dessous, épisode par épisode. Elles peuvent être interpretees grâce au cycle de Wilson dont voici une image courante.
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Liquidations à gagner la laine haut Au début du 19ème siècle la population de Rùm atteint son apogée avec 443 habitants. En 1826 350 personnes habitent l'île lorsqu'intervient un évènement, typique alors en Ecosse, qui fait partie de ce qu'on a appelé les Highland Clearances Les insulaires ont beau être travailleurs, ils ont accumulé des arriérés de payement qu'ils doivent au seigneur et propriétaire de l'île, MacLean de Coll, dont les revenus vont diminuant. Pour redresser sa situation financière, il ordonne l'évacuation de toute la population de l'île de sorte à pourvoir l'île d'un seul propriétaire-éleveur de moutons. Le 11 juillet 1826, 300 habitants de Rùm embarquent sur deux navires surchargés - le Highland Lad et le Dove of Harmony - à destination de Ship Harbor (aujourd'hui Port Hawkesbury) au , Cap Breton en Nouvelle-Ecosse. Leur voyage est payé par Dr Lachlan et Maclean de Coll. La population restante les rejoint en 1827 sur le St. Lawrence. S'y ajoutent 150 habitants de l' île de Muck, une autre propriété de Maclean de Coll. On remplace la population par 8000 Scottish Blackface - une race locale de moutons des montagnes. L'éviction est si bien menée à terme que le propriétaire de Rùm (Dr Lachlan Maclean, un parent par mariage de Maclean de Coll) doit faire venir d'autres insulaires pour servir de bergers. Ces nouveaux habitants sont eux-memes chassés de Skye et Mull, et répartis sur Rùm. La photographie ci-jointe montre les vestiges d'une maison noire ,que vous pouvez voir sur le sentier du Loch Scresort, construite pour servir de logement à l'un de ces bergers. Notes:
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L'aventure des cerfs élaphes haut Préambule historiqueLes habitants de Rùm vivaient de l'agriculture (orge et pomme de terre), de la pêche (réduite cependant par la difficulté d'accès aux côtes) et de la chasse. Les forêts abritaient des cerfs qu'ils attrapaient par des piéges ou les animaux étaient guidés dans un entonnoir par des petits murets de pierre jusqu'à se retrouver acculés contre un enclos muré. Ils étaient alors facilement abattus, tant et si bien que le cerf rouge ou cerf élaphe disparut complètement de l'île vers les années 1772-1797. En 1845, l'île fut achetée aux MacLeans de Coll par le second marquis de Salisbury pour £26,455, et le marquis le transforma en un domaine de chasse des Highlands. C'est alors que les cerfs furent réintroduits . L'île passa ensuite aux mains de son fils, le Vicomte Cranborne, puis au troisième marquis de Salisbury. En 1870 , revente de l'île à Farquhar Campbell, qui loue à partir de 1879 ses droits de chasse à John Bullough. James Hunter Campbell, un cousin de Farquhar Campbell, hérite de l'île à sa mort. En 1886, l'île ést de nouveau à vendre et est finalement acquise par John Bullough en 1888 pour £35,000. John Bullough meurt en 1891, laissant l'île a son fils a îné, George Bullough. C'est John Bullough qui change également l'orthographe en "Rhum" (!) car il trouve incongru de porter le titre de « Lord of Rum », Rum étant l'orthographe anglaise de la boisson alcoolisée. Une étude majeure en écologie génétiqueEn 1957, l'île est achetée par le gouvernement écossais qui la transforme en réserve naturelle. Elle sert notamment de lieu d'études des cerfs élaphes, menées par Tim Clutton-Brock qui effectue une avancée considérable dans les domaines de la sociobiologie et de l'éthologie comportementale, ce qui lui permet d'élaborer la théorie de la stratégie évolutionnairement stable. Peut-être avez vous dejà entendu parler de 'paysages génétiques'. L'expression est à la mode, et indique qu'il peut y avoir une véritable géographie des gènes portés par les êtres vivants. En d'autres termes la localisation spatiale des gènes et son evolution est un champ scientifique a part entière. On conçoit fort bien, depuis Darwin, qu'une population puisse evoluer jusqu'à la differentiation spécifique par le simple effet de l'isolement. Les mécanismes génétiques seront formulés au 20ème siècle par Fisher et Wright, avec notamment le principe de la dérive et de la fixation des allèles. Nous avons consacré un autre article de ce programme à l'étude de paléogeographie génétique des chênes-lièges realisée par Antoine Kremer, travail qui lui a valu le prix Wallenberg. Mais nous voulons parler ici des services que la biologie moléculaire peut rendre à l'étude écologique des animaux en milieu sauvage. Peut-on, par exemple, se servir de l'observation des gènes pour comprendre la dynamique démographique de la population observée ? On peut le faire en effet, et l'étude menèe sur les cerfs élaphes de Rùm est à cet egard exemplaire. Cette étude est le fruit d'un partenariat de longue haleine entre deux institutions prestigieuses: l'université de Cambridge et l'université d'Edinburgh. Ces recherches ont ete consacrées à l'écologie (1958-1972), puis a la physiologie reproductive (1968-1973) et depuis 1973 a la dynamique écologique et génétique.
Une carte d'identité génétique?Pour fabriquer l'équivalent génétique de l'empreinte digitale (en anglais, DNA fingerprint) d'un individu, il nous faut pouvoir 'voir' les gènes de l'individu. L'objectif est donc de construire une véritable carte d'identité génétique, qui comme son nom l'indique, permettra d'identifier chaque individu d'une population de manière unique. Cette 'assurance' sur l'identité du sujet sera en fait de nature statistique. Plus nombreux seront les gènes observés, mieux on sera renseigné sur l'identité et plus faible sera le risque de confusion avec un autre individu. Nous reviendrons sur cet aspect statistique plus tard. Comment procéder pour 'voir' les gènes, et comment en fixer une image sur un support? Obervons d'abord que notre but n'est pas de voir comment les gènes affectent le métabolisme de l'individu, mais simplement comment on peut utiliser une partie, infime si possible, du génome a des fins d'identification. Les biologistes moléculaires ont découvert que certaines sous-chaînes courtes du génome, les microsatellites, peuvent etre utilisées à cet effet. Elle consistent en une à six paires de bases, soit deux à douze nucleotides, Ces sous-chaînes sont présentes par milliers dans le genome des eucaryotes, et se retrouvent surtout - mais pas exclusivement, dans les parties non codantes (introns) du génome. L'élément discriminant, qui permet de reconnaitre l'individu, est la longueur de la répétition. Par exemple on va trouver le motif CA (longueur=2=2 paires de base) à des milliers d'endroits dans le génome d'un individu. Les généticiens ont demontré que ces motifs suivaient les lois de Mendel, c'est-à-dire que ces motifs sont transmis de la meme manière que les allèles codominants pour des individus diploides. On se trouve donc en possession d'un outil qui est à la fois polymorphe (il y a beaucoup de motifs différents possibles, et l'utilisation de plusieurs marqueurs microsatellites est donc tres discriminante), et et qui suit des lois d'hérédite précises. On va donc en effet pouvoir marquer génétiquement les individus, mais aussi estimer les relations de parenté entre individu sur la base de leur carte d'identité génétique. C'est le principe de l'analyse de parentage, qui a des applications légales (tests de paternité) ou écologiques (étude des comportements de reproduction, estimation du succés de reproduction des individus). On va donc pouvoir suivre quantitativement ce que Darwin appelait la 'fitness' d'un individu. La porte est ainsi ouverte a l'étude de la dynamique génétique des populations. L'effet d'une bombeReste une difficulté majeure: ces séquences représentent une quantité infime de matériel génétique. Si peu qu'elles en sont invisibles. L'idée des biologiste a donc eté de mettre au point une véritable bombe, qui est à la génétique ce que les réactions de fissions sont à la bombe nucleaire. La technique consiste à appliquer une suite de cycle thermiques ( chaque cycle consiste en une phase d'echauffement suivie par une phase de refroidissement) a une soupe bien concoctee de materiaux moléculaires biologiques (TAQ, polymérase, acides nucléiques, échantillon du génome à marquer) Cette amplification en chaîne par polymérase ou réaction en chaîne par polymérase est couramment designee par l'acronyme 'PCR'. Le lecteur est invité à cliquer sur les animations liées aux images ci-dessous pour en decouvrir le fonctionnement.
Cette amplification va multiplier à l'identique la sous-séquence recherchée, dans des proportions gigantesques. On se retrouve alors dans un domaine physique à l'échelle supérieure, et on peut par exemple, faire migrer cette nouvelle liqueur moléculaire - consistant en un nombre énorme de copies identiques de la séquence- en appliquant un champ électrique à un gel et en laissant les molécules de cette liqueur diffuser dans le gel. La distance parcourue dans le gel est inversement proportionnelle au poids moléculaire, et si on utilise un traceur fluorescent, on fixe ainsi sur le papier notre carte génétique. Sur l'image ci-dessous, chaque colonne représente l'identité génétique d'un individu. Il y a 6 colonnes, ce qui signifie que l'on compare les identités génétiques de 6 individus differents. Chaque colonne contient deux traits horizontaux rouges vifs qui représentent les deux distances de migration des deux allèles de l'individu, puisque chez les individus diploides, chaque locus (coordonnée du gène ou du marqueur le long du génome) contient un allèle hérité du père et un allèle hérité de la mère.
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Poésie: quelques photographes inspirés haut
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Génétique et analyse de parentage
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